Faut-il se supplémenter en iode ?

il a été suggéré que nous devrions tous prendre un complément alimentaire à base d’iode car nous serions tous en carence ! Ce constat renvoie souvent à l’observation et l’expérience totalement personnelle des personnes qui le présente. Que nous dit la science sur ce sujet ?

Avertissement !

  • Les femmes enceintes ne seront pas pris en considération dans cet article même si les sources scientifiques les comptabilisent et donc pourraient aussi émettre des conclusions pour ces dernières.
  • L’ANSES indique qu’un enfant de 10 ans donc en âge scolaire a besoin des mêmes apports en iode qu’un adulte à savoir 150ug/j.
  • Dans la surveillance du statut iodé de la population à l’aide de l’UIC (Urinary Iodine Concentration), l’OMS recommande que les enfants d’âge scolaire (SAC) servent de substitut à la population générale.
  • L’IUC est prise en compte pour analyser le statut en iode dans cet article conformément aux sources scientifiques. La norme urinaire pour les enfants d’âge scolaire et les adultes semble être similaire selon les organismes de santé. Il s’agit d’une norme étant de 100 à 300ug/L.

Hypothèse de départ : la carence en iode !

L’hypothèse de départ prend racine sur le fait que tous les individus sont carencés en iode. Avec la montée en puissance de l’importance de la thyroïde, certains professionnels de santé ont pensé que la prise d’iode ne pouvait être que bénéfique pour la thyroïde ainsi que pour la santé ! Les arguments comme le goitre et le crétinisme ont même été avancé ce qui a pour conséquence d’entretenir une peur irrationnelle d’une éventuellement carence en iode tant pour soi-même que pour son enfant.

L’iode est un oligo-élément essentiel pour la synthèse des hormones thyroïdienne et dans le développement neurologique des enfants et des foestus. Ces actions ont fait de lui, le fer de lance d’une campagne de supplémentation dans la population et notamment chez la femme enceinte (non inclus dans cet article). Au regard de la littérature scientifique, des maladies ont aussi émergé ayant pour cause la carence en iode, il s’agit du crétinisme et du goitre. Le crétinisme est une pathologie présentant des troubles physiques et un retard mental liés à une insuffisance thyroïdienne. Le goitre est une hypertrophie de la glande thyroïde provoquant un gonflement du cou.

Les expériences personnelles, avec nos biais cognitifs, ont tendance à biaiser nos conclusions. C’est un sujet mêlant l’endocrinologie et la médecine, il n’est pas étonnant de voir des professionnels de santé (naturopathes ou diététiciens) jouir d’une certaine crédibilité lorsqu’ils évoquent ce sujet. Sur quels critères se basent ces professionnels pour affirmer une telle recommandation alimentaire ? Nous n’avons pas retrouvé la moindre source scientifique mentionnée qui promeut la carence en iode général. Les seules sources scientifiques allant dans ce sens prennent en considération les femmes enceintes qui ont un besoin en iode supérieur au reste de la population mais toutes les études ne sont pas unanimes ! Cette carence vient de l’impression croissante des problèmes thyroïdiens en prenant en compte que l’iode est un facteur important de ce système. De manière totalement spéculative, l’iode serait bénéfique et nous serions tous carencés.

Que nous dit la science sur le statut en iode des populations ?

L’étude, Estimating the Health and Economic Benefits of Universal Salt Iodization Programs to Correct Iodine Deficiency Disorders a pour objectif d’estimer l’impact à la fois économique et sanitaire de l’ajout d’iode dans le sel au niveau mondial, notamment sur les troubles dus à la carence en iode. Il est normal d’avoir des inquiétudes sur la carence et le statut en iode des populations de 1993. En 2019, une écrasante majorité des ménages du monde estimé à 80% avaient accès à du sel iodé et les résultats durant ces 26 dernières années sont très parlant. Pour estimer la carence en iode, les auteurs utilisent le TRG (Total Rate Goitre) qui est le taux de goitre total d’une population néanmoins cette mesure s’avère vite incomplète car elle prend en considération que tous les goitres sont dus à une carence en iode ce qui n’est pas forcément le cas. On utilise donc ce qu’il nomme le MIUC (median urinary iodine concentration) qui est la concentration moyenne d’iode urinaire.

L’étude démontre que la prévalence du TRG est en chute libre depuis ces 25 dernières années notamment grâce à l’alimentation riche en iode provenant des nutriments certes mais surtout du sel iodé :

Gorstein et al, 2020
  • La TGR est passé de 13,1% avec 5,1 millions de personnes pour 129 pays à 3,2% avec plus de 7,1 millions de personnes pour 139 pays soit une diminution de 10% de la prévalence avec 2 millions de personne supplémentaire pour 10 pays supplémentaire! Il faut noté tout de même le potentiel facteur de confusion du nombre étant donné qu’en 2019, le sel iodé aidait beaucoup pour les apports en iode. Avoir pris en compte davantage de pays contribue donc en faveur de la réduction accru de la prévalence.

Néanmoins la diminution du TGR n’est pas déterminée par la consommation de sel iodé à proprement parlé mais est corrélée avec l’augmentation de l’iode urinaire de la population. Plus la population semble avoir une moyenne d’iode urinaire élevée, plus la TGR semble faible, cela peut donc aussi inclure l’apport en iode alimentaire indépendamment du sel iodé.

Gorstein et al, 2020

La TGR semble être tout de même efficace comme indication clinique de la carence sévère à modérée en iode puisqu’elle entretient un lien de corrélation positif avec le taux médian de l’iode urinaire. Il faut noter que beaucoup de ces cas de goitre ne sont probablement pas dus à une carence en iode, puisque la prévalence du goitre dans la plupart des pays ne dépasse pas 5%, on suppose qu’il existe d’autres causes, telles que la variation physiologique normale de la taille de la thyroïde et la thyroïde auto-immune.

En 26 ans, les pays considérés comme déficient en iode avec un taux moyen de moins de 100ug/L ont diminués. Il étaient 116 en 1993 et se retrouvent à 19 en 2019 ! La plupart des pays ont vu leur moyenne urinaire passée dans la fourchette optimale d’une valeur de 100 à 300ug/L.

Figure 2

Figure 3

En 2019 :

  • La prévalence de la TRG est de 3% !
  • 19 pays sont déficients en iode sur 139 !
  • L’amélioration durant ces 25 dernières années vient de l’iode alimentaire notamment du sel iodé !

Ces conclusions semblent plutôt cohérente avec une autre étude de 2021 du chercheur Zimmermann qui a énormément étudié sur l’iode et la thyroïde ! La première estimation de la prévalence mondiale du goitre réalisée par l’OMS en 1960 suggérait que 20 à 60 % de la population mondiale était touchée, d’où l’inquiétude qui a émergé dans les années 70 et l’importance de l’iode qu’on en déduit de nos jours. Comme nous l’avons mentionné au départ, la revue sortie de l’European journal of Endocrinology de Zimmermann suggère que 88% des ménages du monde ont accès à du sel iodé suite au programme de iodation mondial du sel !

GLOBAL ENDOCRINOLOGY: Global perspectives in endocrinology: coverage of iodized salt programs and iodine status in 2020

Les travaux de Zimmermann confirme qu’en 2020 réside dans le monde 21 pays considérés comme déficient en iode sur 194 toujours sur les mêmes bases de norme urinaires que la précédente étude. En Europe, aucun pays n’est déficient en iode ! Il faut admettre que la iodation du sel est un des facteurs causales de ces améliorations au fil des années mais aucun supplément n’a été utilisé ! De plus, certains pays semblent même en excès d’iode ce qui suggère une stratégie nationale personnelle au niveau des apports. Seule, la iodation du sel fut une stratégie mondiale et efficace sur la prévalence des problèmes thyroïdiens dus à une carence en iode.

Il convient de préciser qu’une erreur fréquente est la conclusion définitive qu’une personne est, à titre individuel, carencée en iode car son analyse urinaire ponctuelle ou sur 24h est en dessous des normes de 100ug/L. Il est fréquemment admis qu’être dans les normes est une chose bénéfique néanmoins la concentration urinaire de l’iode varie en fonction de l’apport quotidien en iode journalier qui lui même varie énormément. Par conséquent, même en ayant un taux d’iode urinaire faible, cela ne signifie pas forcément que la personne est carencée et que sa réserve d’iode thyroïdien est impactée négativement. Zimmermann nous dit dans sa revue qu’une répétition sur 10 jours différents semble intéressante pour plus de précision sur le statut individuel de l’iode urinaire chez un adulte.

Un mot sur les femmes enceintes !

Les femmes enceintes sont des sujets différents. L’iode ayant une importance capitale pour le développement du foestus, les apports journaliers en iode sont accrus durant la grossesse. Les normes urinaires sont, elles aussi, différentes de la population générale. Zimmermann nomme les femmes enceintes comme un << groupe vulnérable >> devant faire l’objet d’une surveillance toute particulière à ce niveau.

La norme urinaire pour les femmes enceintes se situe de 150 à 250ug/L comme adéquat et la norme monte jusqu’à 500ug/L avant de devenir excessive contrairement à la population générale dans laquelle l’excès est au delà des 300ug/L. Les apports par jour s’élève à 200ug d’iode contre 150ug pour la population générale.

Conclusion !

  • Les femmes enceintes sont un groupe vulnérable concernant la carence en iode mais cet article n’a pas pour objectif de déterminer si cette vulnérabilité occasionne obligatoirement la prise d’un complément ! un autre article sur le sujet sera produit ultérieurement !
  • Durant ces 25 dernières années, l’iode alimentaire avec notamment le sel iodé a permis d’endiguer et de prévenir les troubles thyroïdiens dus à la carence en iode.
  • En 2020, 21 pays sont déficients en iode et aucun ne vient d’Europe ! 14 pays sont en excès d’iode provenant de l’iode alimentaire et de la richesse de l’iode dans leur eau.
  • Le crétinisme est une pathologie qui n’existe plus aujourd’hui compte tenu du programme de la iodation mondial du sel. Le crétinisme résulte d’une carence en iode sévère durant la grossesse et l’enfance.
  • La prévalence du goitre a fortement diminué durant ces 3 dernières décennies sans utilisation de complément alimentaire mais encore une fois grâce à l’iode alimentaire (sel iodé notamment).
  • Aucun complément en iode n’a été utilisé. L’affirmation selon laquelle nous devrions tous consommer un complément en iode s’avère fausse au regard du statut en iode dans les différentes populations du monde. Cela est d’autant plus vrai quand il s’agit d’un pays ayant accès facilement à du sel iodé et à des produits riche en iode comme les produits laitiers et les fruits de mer/poissons ou encore aux algues.

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