Dans le monde du fitness et de la musculation, les BCAA sont un des compléments les plus connus, chaque nouvelle marque de produit qui émerge, ont dans leur arsenal des BCAA. On entend souvent que ce n’est pas utile, il serait à mon sens préférable de comprendre pourquoi ! Pour éviter les amalgame, il faut comprendre ce que sont les BCAA et pourquoi ils sont tant adoré dans le domaine de la musculation. Ce mythe persiste car c’est notamment des personnes musclées et au physique athlétique qui revendiquent l’utilité des BCAA. Cependant, ils ignorent que ce n’est pas grâce à ce produit que leur tissu musculaire se développe.
L’identité des BCAA
Les BCAA, en anglais << Branched chain amino acids >>, sont des acides aminés à chaîne ramifiée portant leur nom de leur structure moléculaire sous forme de chaine. Les BCAA sont des acides aminés essentiels ( AAE ) : la leucine, l’isoleucine et la valine. Les AAE ne sont pas synthétisés par l’organisme, il faut donc les apporter via la nutrition. Ils sont indispensables à l’organisme et très utiles comme tous les acides aminés, toutefois, pris de manière isolée en quantité importante, ces AAE ne sont pas que bénéfiques et peuvent même parfois être délétères.



- LA LEUCINE : C’est la star pour la synthèse protéique notamment avec son activité de stimulation de l’enzyme mTOR qui favorise la biosynthèse (formation) des protéines entre autre et par extension la synthèse protéique (Micah J. Drummond et Blake B. Rasmussen, 2008). La concentration de la leucine est considéré comme le critère qualité du produit. Par exemple, le dosage 4.1.1 semblera moins bon que le 8.1.1 car il y a 2 fois plus de leucine et par conséquent une augmentation plus importante de la synthèse protéique. Mais est-ce suffisant pour la considérer comme bénéfique en supplément ? Il faut savoir que la leucine est transportée par des acides aminés transporteurs de type L donc si vous ne les avez pas, elle sera moins efficace (Masathoshi Tomi et al, 2005). Elle est cétoformatrice et glucoformatrice ce qui signifie qu’elle peut se transformer en corps cétonique via la production d’une molécule d’acétyl CoA et d’une molécule acétate (Kimmoun et al, 2008). Par conséquent, la leucine peut être utilisée comme carburant soit sous forme de sucre (glucose) soit sous forme de graisse (corps cétonique). Dans ce cas de figure, elle sera inutile pour la synthèse protéique donc le surdosage de cet acide aminé n’est pas si pertinent pour la prise de masse musculaire. La leucine rentre en compétition avec le tryptophane (qui est un acide aminé essentiel et donc important pour la synthèse protéique général). Le métabolisme du tryptophane emprunte à 98/99% la voie de métabolisation des Kynurénines (KYN) (Bender, 2003, Badawy, 2017) cependant, cette voie est en compétition avec les récepteurs LAT1 au niveau de la barrière hémato-encéphalique du cerveau (Adam K. Walker et al, 2018). Je précise que nombres d’études présentent des effets positifs et négatifs de la voie des Kynurénines, nous nous concentrons que sur le côté absorption pour la synthèse protéique. Toutes ces données suggèrent qu’une malabsorption a lieu et entraine un frein dans la synthèse protéique générale car ils sont tous deux essentiels pour la prise de masse musculaire. l’apport élevé en leucine peut donc être problématique. Elle entre également en compétition dans le cerveau avec la tyrosine (Maya S. Basil, 2012) qui est autant indispensable que l’iode pour la fonction thyroïdienne tout en étant précurseur de l’adrénaline, la noradrénaline et la dopamine (LA Cynober, 2004 ; Maribel Rios, 1999). On suppose qu’elle pourrait perturber le fonctionnement de la thyroïde à haute dose mais également des catécholamines !
- L’ISOLEUCINE : Elle est cétoformatrice et glucoformatrice via la néoglucogénèse : processus de fabrication de sucre sous forme de glucose par le foie (PubChem, US National Library of Medicine). C’est-à-dire qu’elle peut créer des corps cétonique (lipides) comme la leucine mais aussi du glucose. Elle bloque également le passage de la tyrosine et du tryptophane au niveau de la barrière hémato-encéphalique du cerveau, il s’agit d’une compétition d’absorption avec le tryptophane mais aussi avec l’isoleucine, la valine, le tyrosine et la phénylalanine (Pardridge, 1977). On retrouve des effets similaire qu’avec la leucine.
- LA VALINE : Elle entre en synergie pour le fonctionnement de la leucine et de l’isoleucine, il est donc important de ne pas avoir une grande différence dans le ratio des 3 AAE (Harper et al, 1984 ; Staten, 1984). Il semble contre productif d’avoir des BCAA avec des dosages 8:1:1 (8 étant la leucine et les deux autres l’isoleucine et la valine). Avec ces ratios, on s’expose à l’absence d’effet bénéfique car pour optimiser la croissance musculaire, le corps a besoin de tous les AAE.
Rôle des BCAA dans la synthèse protéique
La synthèse protéique a besoin des 9 AAE et de quelques acides aminés non-essentiels (AANE) pour se produire car ils travaillent tous en synergie. La compétition de la leucine et de l’isoleucine avec le tryptophane peut être un obstacle à la synthèse musculaire car la concurrence entre leur absorption ne sera absolument pas bénéfique à la synthèse protéique générale.
Une étude a été menée de manière indépendante sur 2 groupes qui ont consommé la même quantité, un de whey, un de BCAA. Le groupe, consommant la whey ayant tous les AAE, a eu un gain musculaire plus important (Jackman et al, 2017), ce qui suggère que la whey permettrait une croissance plus importante grâce à un aminogramme plus complet.
Un apport à faible teneur en protéine avec environ 6g de leucine, peut être aussi efficace sur la synthèse protéique qu’un apport riche en protéine (environ 25g), sans aucun ajout d’acide aminé isolé (Tyler A Churchward-Venne, 2014). Un apport protéique classique a la même capacité qu’un apport moindre avec ajout de leucine pour stimuler la synthèse protéique.
Il ne faut pas oublier que l’ajout de protéine sur une quantité déjà bien présente revient à porter une deuxième casquette par dessus la première, c’est inutile. C’est comme si vous portiez 3 neuvième de la deuxième casquette sur la première ce qui n’a aucun sens ! En effet, avoir 3 AAE sur 9 alors qu’ils se trouvent déjà en quantité dans l’alimentation, le complément devient obsolète. Voici un tableau de 8 acides aminés essentiels (dont les BCAA) qui se retrouvent dans différents aliments du quotidien :

Les points positifs des BCAA
Les BCAA, en supplément, n’ont aucune utilité spécifique pour la croissance musculaire néanmoins ce mythe perdure grâce à l’effet de la synthèse protéique musculaire après l’effort, suite à une consommation de BCAA, qui semble très positive (Eva Blomstrand & bengt Saltin, 2001). Il est vrai que lorsque nous donnons des protéines à nos tissus, ces derniers s’en servent pour se régénérer mais l’alimentation suffit amplement. Économisez votre argent, l’alimentation vous apportera un profil micro-nutritionnel (vitamines, minéraux, oligo-élément) que les BCAA ne vous apporteront pas. Un des points positifs est la diminution des dommages musculaires après l’effort comme le démontre cette méta-analyse (Hossein Rahimi et al, 2017). Il est potentiellement vrai que les BCAA peuvent induire une diminution des dommages musculaire mais est-il nécessaire de les apporter pour développer ses tissus musculaires ? Il semble que non, ils sont l’objet de nombreux mythes, réduction de la fatigue par exemple, cependant cette dernière demeure présente (Razie Hormoznejad et al, 2019). Par conséquent, sur les sensations, la consommation de ce complément ne sera pas si utile que cela. Le seul effet positif de la prise de BCAA semble être une diminution, non pas de la fatigue, mais des douleurs et dommages musculaire après l’effort.
Faut-il se supplémenter en BCAA
Ils sont assez bien documentés, il est possible de se perdre quant aux affirmations, la plupart du temps beaucoup de personnes ne prennent pas le contexte en compte. Scientifiquement parlant, leur consommation, en supplément, pour induire une croissance musculaire PEUT être réel mais n’est absolument pas nécessaire. cela signifie que vous pourriez avoir une croissance musculaire similaire et/ou plus importante sans dépenser votre argent dans ce complément. On vous dira sans doute que cela réduit les dommages et la fatigue musculaires, il se peut que ce soit le cas néanmoins si vous n’êtes pas athlète de haut niveau, le sommeil ainsi qu’une alimentation notamment riche en glucide suffiront. La méta-analyse de 2019, ne montre aucun effet bénéfique sur la sensation de fatigue des sujets.
Les prétendus effets sur la performance sportive ou la composition corporelle ne sont, en réalité, que des spéculations. La consommation de 10g de BCAA, 30 minutes avant et après l’effort, s’est soldé par aucune différence sur la composition corporelle ou la performance musculaire (Mike Spillane et al, 2014). Ces conclusions ont toutes l’air d’aller dans ce sens même pour des athlètes, la supplémentation en BCAA combinée à une alimentation riche en protéine n’a eu aucun effet sur la perte de graisse, la force ainsi que sur la performance aérobie ou anaérobie (A. Mourier, 1997). Les BCAA ne construiront pas le muscle seul, d’autres acides aminés sont nécessaires au maintien et développement des tissus musculaires (Daniel R.Moore, 2015). Les BCAA ne sont donc qu’une pièce du puzzle se nommant la synthèse protéique. S’ils sont des stars, c’est notamment grâce à la leucine car il existe un seuil minimale de leucine pour la croissance musculaire qui se trouve à 5mM (mmol/L) dans le sang et à 2/3g de leucine par jour(José. L Areta, 2014). La conclusion d’une étude de 2016, suggère que les glucides, sous forme de boisson, sont aussi utiles que les BCAA concernant la récupération (Kephart et al, 2016).
La supplémentation en BCAA-CHO n’a pas réduit la diminution de la force du bas du corps ni amélioré certains marqueurs de dommages/sortie musculaires par rapport à une supplémentation en CHO pendant trois jours consécutifs d’entraînement intense du bas du corps.
Kephart et al, 2016
Une des explications plausible est qu’un surdosage de leucine et de l’isoleucine se solde par la formation de sucre et de graisse pour la production d’énergie (ATP). Dans ce cas, consommer directement des glucides sera moins onéreux et aussi efficace.
Conclusion
Il semble fortement inutile pour l’écrasante majorité des gens de se supplémenter en BCAA, cela peut-être contre productif. Ayant moins de leucine dans les sources d’origines végétales, les personnes adoptant une alimentation végétalienne auraient éventuellement intérêt à consommer des BCAA afin d’atteindre le seuil de leucine. La seule recommandation valable est la suivante : << Hormis pour un régime alimentaire végétalien, la consommation de BCAA est totalement inutile pour l’écrasante majorité de la population >>.
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