L’insuline : ennemi public ou victime publique ?

L’insuline, l’hormone de stockage, l’hormone qui ferait prendre du gras, l’hormone qu’il faudrait le moins sécréter possible, l’hormone qui mènerait à cette fameuse insulino-résistance, l’hormone qui serait la cause de nos maux, de notre surpoids, de notre obésité, de notre difficulté à perdre du poids et du gras. On parlerait presque de l’hormone du diable finalement. C’est l’image que prône le docteur Robert Lusting dans son fameux livre << Sucre, L’amère vérité >>. Loin de moi le fait de dire qu’il n’a pas d’expertise ni de connaissance du terrain, néanmoins, je vous propose de changer de paradigme (croyance) concernant l’insuline. Si vous pensiez que ces allégations sont basées sur la science ainsi que les recherches de Lustig, vous avez raison, en revanche je ne vais pas me contenter de le contredire sans apporter une science à la fois plus précise et plus globale.

Les bases sur l’insuline : les raisons pour lesquelles elle est diabolisée !

Les bases sur l’insuline ne demandent pas spécifiquement de sources scientifiques étant donné que tout le monde les connait. Si vous ne les connaissez pas, pas de panique, il vous suffit d’ouvrir n’importe quel livre de biologie, d’endocrinologie ou de médecine concernant le pancréas. Tous les parties sont en accord sur ces bases même si les visions différent.

L’insuline est une hormone sécrétée par le pancréas et plus spécifiquement par les cellules bêta des ilots de langherhans. Le pancréas produit une sécrétion basale de l’insuline c’est-à-dire constante tout au long de la journée et une sécrétion prandiale ( au moment du repas ), c’est ce que l’on appelle les pics d’insuline car l’insuline augmente pour octroyer au corps ses bénéfices :

L’effet le plus connu de l’insuline est de permettre l’entrée du sucre, sous forme de glucose, dans les différentes cellules ce qui permet de diminuer le taux de sucre sanguin (glycémie) notamment au moment des apports énergétiques (repas). C’est pourquoi il y a des pics d’insuline au moment des repas, sans cela, nous ne pourrions pas absorber et utiliser l’énergie que nous donnons à notre organisme. Lorsque vous mangez un repas riche en glucides, votre glycémie augmente, les cellules bêta du pancréas produisent, à ce moment, de l’insuline pour envoyer le glucose ingéré dans les cellules et ainsi maintenir un taux normal de glucose dans le sang.

A ce stade, on se rend bien compte que sans sa sécrétion, cela serait difficilement vivable. A cause de cet effet, l’insuline est vu comme une hormone de stockage qui vous fera prendre du gras car la plupart des tissus du corps humain dont les cellules adipeuses (graisses) sont sensibles à l’insuline. La logique se base donc sur une équation relativement simple : Hausse de l’insuline = Plus de sucre qui pénètre dans nos cellules = plus de stockage sous forme de gras. De ce point de vue, la consommation de glucides (sucre) est devenu un problème car l’insuline augmente et par conséquent, d’après les partisans de cette équation visiblement rudement recherchée, plus de glucides = plus de stockage sous forme de gras. La conclusion est donc simple, il suffit de diminuer les glucides ou de diminuer la réponse insulinique en faisant attention à l’index glycémique des aliments pour éviter ces pics d’insuline et donc éviter de perdre du gras.

Le consensus scientifique n’a pas complétement tord sur 50% de leur réflexion, les 50% restant les contredisent et font tomber à l’eau leur conclusion quelque peu hâtive. L’alimentation riche en glucide et la stimulation de l’insuline ont été associé à la prise de gras et de poids, commençons d’abord par comprendre pourquoi ils sont arrivés à cette conclusion. Quasiment tous les chercheurs étant pour la conclusion que l’insuline et les glucides provoquent la prise de poids, reprennent ces arguments (Lustig, 2012). Nous allons nous baser sur l’étude des mécanismes nutritionnels et hormonaux de la lipogénèse (construction de graisse) de Sander KERSTEN réalisée en 2001 et qui reprend environ 50 sources différentes à ce sujet. Puisqu’une image vaut mille mots :

Kersten, 2001

Cette synthèse d’études et d’arguments avance que l’insuline ainsi que les sucres (le glucose) induisent à la hausse les facteurs de transcription de la lipogenèse notamment SREBP-1, USF1 et USF2, PPARy et la formation de Triglycérides (TG). Le glucose stimule la PPARy mais il stimule surtout l’insuline ainsi que le facteur de transcription SREBP-1 (Sterol regulatory element-binding protein 1) qui est le plus connu comme facteur de transcription dans le domaine scientifique. L’insuline, quant à elle, semble jouer sur tous les fronts, Elle stimule tous les facteurs de transcription et permet l’absorption de glucose dans la cellule. Ce sont aussi les arguments avancés dans les recherches du docteur Lustig, il faut cependant lire les sources scientifiques pour s’en rendre compte car il ne mentionne pas ces concepts biochimique directement dans son livre. Comprenez que ces interactions biochimique sont exactes et réelles néanmoins, il ne s’agit ici que de la moitié des informations qui ont permis de tirer des conclusions négatives.

En plus d’activité les facteurs de transcription et donc les procédés pouvant faire stocker de la graisse, l’insuline augmente l’activité de la LPL (lipoprotéine lipase) au niveau des adipocytes. Cela signifie que les acides gras se dirigent davantage vers les cellules graisseuses néanmoins cela a surtout était prouvé chez les souris. (Merkel et al, 2002 / Vannier et al, 1988 ). En présence d’insuline, Une cascade de signalisation se produit, induisant la protéine kinase B (PKB) ainsi que l’AMPK par une voie augmentant la phosphorylation (activation) de la PKB se concluant par une augmentation des LPL dans les adipocytes ( Su-jin Kim et al, 2007 ). L’insuline multiplie par 10 la translocation du GLUT4, un des transporteurs du glucose dépendant des concentrations d’insuline, ( Cheatmam & Kahn, 1995 ) ce qui induit augmente le glucose dans les cellules graisseuses et qui se convertit en triglycérides (réserve graisseuse). Elle régule à la hausse la lipogenèse de novo (DNL) c’est-à-dire la formation d’acide gras, notamment dans le foie, à partir du glucose (Lustig, 2012). L’insuline permet la suppression de l’activation de l’enzyme HSL (lipase hormonosensible), ce qui engendre une diminution de graisse relâchée dans le sang (Lampidonis et al, 2011). En somme, L’insuline active tous les procédés qui pourraient faire stocker de la graisse dans les adipocytes et elle inhibe tous ceux qui participent au relâchement de ces graisses des adipocytes.

On pourrait vraiment croire que l’insuline est l’hormone du diable mais il ne s’agit ici que de la moitié des informations permettant une conclusion fiable.

L’autre moitié de l’équation non prise en compte : Insuline = coupable ?

Je vous propose, dans une premier temps, les explications biochimiques simplifiées et pour finir , les preuves issues d’études scientifiques concernant :

L’insuline est accusée de stocker le sucre dans les cellules graisseuses cependant elle possède bien plus de fonction physiologique et biologique que cela. Il manque énormément d’information car l’insuline :

  • module l’homéostasie du glucose
  • module le transport des ions intra et extracellulaire à savoir le sodium, le calcium, le magnésium etc… (Czech, 1977 )
  • régule l’absorption des acides aminés
  • induit un modification sur le métabolisme des lipides
  • permet la synthèse de glycogène
  • permet la transcription des gênes
  • permet le renouvellement de l’ARNm
  • permet la synthèse et la dégradation des protéines
  • permet la synthèse de L’ADN


Cheatmam & Kahn, 1995

Lea peur que le sucre se transforme en graisse dans les différents tissus vient du fait que les récepteurs de l’insuline sont plus nombreux dans le tissu adipeux et le foie (Cheatmam & Kahn, 1995). Cependant, ses multiples modes d’actions contredisent cette idée reçue, d’autant plus que le foie possède des réserves de glycogènes par conséquent le sucre n’est pas destiné à devenir systématiquement de la graisse. L’insuline permet la translocation des transporteurs de glucose GLUT4 ce qui signifie que la production d’insuline permet une plus grande absorption du glucose dans les cellules pour permettre au sucre d’accomplir ses effets. L’entrée du glucose dans les cellules ne se transforme pas en graisse car ce dernier est utilisé pour la production d’énergie, l’équilibre anti-oxydant, le métabolisme aérobie et anaérobie etc… En ce qui concerne les cellules adipeuses, même si elles possèdent des récepteurs insulinique, la transformation en graisse sera toujours régit par la balance énergétique de l’organisme. Si vous prenez 3 mais que vous enlevez 5, vous aurez un résultat de -2, c’est comme cela que le corps fonctionne, en d’autres mots, si vous synthétisez un peu de gras mais que vous dégradez plus de gras par la suite sur les 23h restante de votre journée alors les cellules adipeuses ne grossiront pas.

Vérification des arguments en pratique !

Sur 22 études, 17 études n’ont trouvées aucune corrélation entre les niveaux d’insuline et la prise de poids ou les niveaux d’insuline élevé et la perte de poids (et seulement 5 études ont trouvées que l’augmentation de l’insuline était corrélé à une prise de poids mais seulement chez les sujets en surpoids (Langlois & Carpentier, 2007). La conclusion finale de cette étude est la suivante :

La démonstration du rôle de l’insuline et de la leptine dans la prédiction de la prise de poids n’a pas été cohérente dans les nombreuses études prospectives qui ont été menées jusqu’à ce jour. Ces hormones semblent présenter une relation complexe avec le risque de prise de poids, qui ne semble pas affecter la population de poids normal mais qui est positivement associée à une prise de poids plus importante chez les personnes en surpoids, et inversement liée à la prise de poids chez les populations plus obèses.

Langlois & Carpentier, 2007

Cette conclusion appuie le fait que, même chez les personnes obèses, la théorie de l’insuline pour la prise de poids ne fonctionne pas car il est possible de perdre du gras même avec des niveaux élevé d’insuline. Une diète haute en glucide avec des taux d’insuline plus élevé peuvent donc également entrainer une perte de gras (Guo.J et al, 2017). Si l’insuline était la cause de notre prise de gras alors il serait logique et normale de penser qu’une diète haute en glucide impacterai davantage la prise de gras cependant cette affirmation s’avère fausse ! Une alimentation basse en glucide ou basse en lipides (isocalorique) a donné des résultat sensiblement similaire avec une légère préférence pour la hausse consommation de glucide pour la perte de gras néanmoins les différences physiologiques sont trop mince pour les prendre en considération (Kevin Hall, 2017). Dans une étude de perte de poids sur 12 mois, il n’y a pas eu de différence significatif sur le changement du poids corporel entre la diète low carb et la diète low fat alors que les sujets avaient entre 18 et 50 ans sans hypertension ou maladie métabolique non contrôlée (diabète ; cancer ; maladie cardiaque, rénale ou hépatique ; et grossesse ou allaitement). Les personnes étaient exclues si elles prenaient des médicaments hypoglycémiants, hypolipidémiants, antihypertenseurs, psychiatriques ou autres médicaments connus pour affecter le poids corporel ou la dépense énergétique. La différence de génotypes dont la PPAR (facteur de transcription abordé) ainsi que la production d’insuline n’ont pas montrés de changement significatif . Le groupe low carb a perdu 6kg tandis que le low fat a perdu un peu moins, 5,3kg (Gardner CD et al, 2018).

L’adéquation glucide/insuline pour la prise de poids est fausse dans la mesure ou les protéines augmentent également l’insuline. Les acides aminés génèrent une hausse de l’insuline (Fajans et al, 1969), de plus, la whey protein provoque une libération d’insuline plus importante que le pain blanc (Sahehi & coll, 2012). Il faut, cependant, être prudent avec cette source car il s’agit beaucoup de in vitro chez la souris. Cela peut-être pertinent en considérant que les cellules Bêta du pancréas fonctionnent comme ceux de l’humain. Voici ce que l’on sait chez l’humain :

1 ) La consommation de whey augmente le taux de d’isoleucine, de leucine, de lysine, de valine et de thréonine dans le sang :

Sahehi & coll, 2012

2 ) La consommation de whey augmente la concentration du GIP et du GLP-1 qui sont de puissants agents insulinotropes :

Sahehi & coll, 2012

Ce sont les seules données solides que cette étude montre chez l’humain, néanmoins, en mettant en corrélation le fonctionnement des cellules Bêta in vitro chez la souris pour comprendre les effets exacts des acides aminés sur l’insuline, on retrouve ces résultats :

Le in vitro est intéressant pour analyser l’effet d’une substance particulière sur un organe ou sur une cellule. En prenant en considération que les cellules Bêta du pancréas chez les mammifères ont la même fonction vis à vis de l’insuline, nous pouvons conclure que la consommation de whey augmente davantage l’insuline que le glucose lui-même chez l’humain. Il faut manipuler ces données avec prudence, si vous dîtes que la Lysine seule engendre plus d’insuline que du glucose via ce que démontre la dernière figure, vous aurez sûrement tord. La consommation de lysine comparée à celle du glucose dans une journée chez un humain est totalement différente sans oublier qu’il s’agit d’un test in vitro d’une souris. La seule conclusion valable est que la consommation de whey seule chez l’humain engendre une production accru d’agent insulinotrope, on suppose fortement via les recherches in vitro sur les souris que l’augmentation des concentrations de ces acides aminés et de ces agents insulinotrope libère plus d’insuline que le glucose sur un laps de temps bien défini ce qui à l’air de se confirmer chez l’humain.

si la théorie de l’insuline était juste, il serait difficile de consommer autre chose que des lipides. L’insuline ne reste pas constamment élevé comme dans le cas d’une production post prandiale, cela rétablit le métabolisme des graisses à la normale et nous ramène à une balance énergétique globale.

Kempner et al, en 1975, montre, malgré une forte restriction calorique, qu’une alimentation basée sur 90% de glucides ( riz blanc, fruits, sucre blanc, jus de fruits ) a permis une perte de poids fulgurante et une amélioration de l’état de santé globale des individus. Cette expérience n’est absolument pas recommandable en revanche cela nous montre qu’une alimentation composée de glucides en déficit énergétique permet une perte de gras et une amélioration du diabète. Il est évident que l’insuline n’est pas une cause de prise de gras dans des contextes de déficit énergétique et de maintien énergétique. (Kempner et al, 1975)

Conclusion

  • Non seulement, l’insuline n’est pas un forcément requis pour stocker de la graisse, mais les graisses alimentaires ont beaucoup plus de chance d’être stockées que les glucides.
  • Les glucides et l’insuline ne font pas particulièrement stocker de la graisse via les différentes effets de l’insuline et du glucose sur le métabolisme humain.
  • La prise de gras n’est pas défini pas les heures qui suivent le repas mais par une balance énergétique.
  • L’insuline permet de nourrir les cellules en y faisant entrer le glucose principalement via GLUT4.

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